Aude Juncker compose comme on confie un secret, avec l’espoir qu’il résonne chez l’autre. Ses chansons et poèmes révèlent des fragments d’un journal intérieur, des confidences à cœur ouvert où la fragilité rencontre une force inattendue.  

Son nouvel EP, Corps Épine, explore les failles, les ruptures, et les deuils, non pour s’y perdre, mais pour aller à leur rencontre. "Le manque au corps, le corps épine", chante Aude, exprimant cette tension entre douleur et résilience. L’EP est un chemin sinueux, fait de chutes et de détours, mais où chaque pas compte, même les plus hésitants.  Ce voyage intérieur invite à accepter ses propres épines pour mieux les apprivoiser, à rencontrer ces territoires gelés en soi où l’on ne soupçonnait pas de vie, et à y apposer des tendresses.   C’est une quête vers un amour de soi, une réconciliation avec ses fragilités et ses forces. 

Réalisé et arrangé par Marcello Giuliani, connu pour son travail avec Erik Truffaz, Corps Épine révèle un univers sonore organique et brut. Giuliani a conçu un écrin minimaliste et chaleureux, où chaque texture musicale respire avec les mots d’Aude. Ensemble, ils ont travaillé à dénuder la musique pour atteindre l’essentiel, laissant place à des silences qui résonnent autant que les notes. 

Chaque chanson est une pièce d’un puzzle émotionnel, un miroir tendu vers l’auditeur. À travers ces cinq titres, Aude explore les chaînes invisibles qui nous retiennent, les murs auxquels on se heurte, et la possibilité de se libérer. "Le chemin sait, le chemin suit. Ce n’est qu’une question de lumière entre hier et aujourd’hui," écrit-elle dans un poème.  

Entre mélancolie et espoir, ses créations capturent ce moment fragile où l’on apprend que "faire comme on peut" est déjà une forme de victoire.  Les chansons d’Aude sont nourries par sa poésie, qui éclaire et approfondit son univers. Dans son poème Les Tendresses Précises, elle écrit : “ Les tendresses les plus belles sont des tendresses précises. Des tendresses qui se posent à l’endroit exact où l'on attend, où l'on espère dans nos églises intérieures. Un instant peut devenir plus vaste que le monde à l'endroit exact où fondent nos territoires gelés”.  Une invitation à poser un regard tendre sur ses propres failles, à accueillir ce qui semblait figé pour en révéler la richesse.  

Dans Chagrine, le chagrin devient un personnage à apprivoiser. Cette approche poétique donne à son œuvre une légèreté rendant le difficile plus doux, le sombre plus lumineux.  Entre vulnérabilité et force, lenteur et mouvement, Aude Juncker avance "comme sur un fil".  Ces chansons et poèmes ne parlent pas seulement de ruptures amoureuses, mais aussi de la difficulté de rompre avec des schémas, des chaînes invisibles, pour se libérer et mieux se rencontrer. Elles célèbrent cette lenteur, ce temps nécessaire pour que surgissent de nouvelles tendresses et qu’un amour de soi puisse éclore. "On écrit comme on essaie de retenir une lumière entre les doigts," disait Christian Bobin. Ce pourrait être le fil rouge de l’œuvre d’Aude, où chaque mot et chaque note visent à capter cette lumière, à la rendre visible, même au cœur de l’ombre.